Défi ‪#‎375en10‬: Dix grandes personnalités de l'histoire de la presse écrite à Montréal.

Inspirée par l'initiative du Défi #375en10 du conseiller Guillaume Lavoie, j'ai décidé de faire ma propre liste de personnalités montréalaises marquantes en me penchant sur la spécialité de ce blogue, soit l'histoire des journaux. Voici donc ma liste des dix personnalités de l'histoire de la presse écrite à Montréal. Il ne s'agit pas d'une liste des meilleurs journalistes, mais bien de personnes qui ont marqué l'histoire des journaux montréalais.

1. Fleury Mesplet

Originaire de Marseille, Fleury Mesplet passe d'abord par Londres et Philadelphie, où il imprime les lettres que les insurgés américains envoient aux habitants de la «Province of Québec», afin de les persuader de se joindre à leur mouvement d'indépendance. Mesplet arrive à Montréal en 1776, où il fera un premier séjour en prison suite aux retrait des troupes américaines. En 1778,  Il fonde la Gazette du commerce et littéraire pour la ville et district de Montréal, premier journal montréalais et premier journal francophone de la province. Un peu trop sympathique aux idées des Lumières, il est emprisonné avec son rédacteur Valentin Jautard en 1779. Après sa sortie de prison, il fonde en 1785 un nouveau périodique bilingue ayant pour titre La Gazette de Montréal / The Montreal Gazette, l'ancêtre de l'actuel journal The Gazette

2. Ludger Duvernay

Après avoir tenté sa chance dans la presse à Trois-Rivières, Ludger Duvernay devient propriétaire et imprimeur du Journal La Minerve à partir de 1827 (le journal est fondé à la fin de 1826 par Augustin-Norbert Morin). La Minerve est le véhicule des idées des Patriotes et son éditeur est emprisonné à trois reprises pour libelle, soit en 1827, 1832 et 1836.  En 1837, faisant l'objet d'un mandat d'arrestation, Duvernay débute un exil de cinq ans aux États-Unis. À son retour, il refonde La Minerve à l'invitation de Louis-Hypolyte Lafontaine et défend les idées plus modérés des Réformistes. Plus tard, La Minerve devient l'organe politique de l'alliance libérale-conservatrice de George-Étienne Cartier et de John A. Macdonald. Il est le fondateur de la Société Saint-Jean-Baptiste (1843) et de son «ancêtre», la société Aide-toi et le ciel t'aidera (1934). 

3. George-Édouard Desbarats

George-Édouard Desbarats n'a jamais pris la plume mais fut un important imprimeur et un homme d'affaires innovateur. Conjointement avec l'imprimeur William A. Leggo, il dépose en 1864 un brevet  pour l'invention de la leggotypie, un procédé qui permet de reproduire dessins et gravures photomécaniquement, en même temps que le texte. Il fonde ensuite deux journaux où la technique est utilisée, Le Canadian Illustrated News en 1869 et L'Opinion Publique en 1870. Les deux périodiques, qui ont cessé  paraître en 1883, représentent une collection de 15 000 illustrations, encore fréquemment utilisée dans les musées et ouvrages historiques. 

4. Honoré Beaugrand

Après avoir fondé des journaux à Boston puis à Ottawa, ce natif de Lanoraie arrive à Montréal en 1878, où il lance d'abord un journal satirique, Le Farceur. En février 1879, Honoré Beaugrand fonde le journal La Patrie, où il défend un libéralisme plus proche de la tradition des Rouges que des idées plus modérées de Laurier. Il en sera le propriétaire jusqu'en 1897 (La Patrie sera publiée jusqu'en 1978). Auteur de contes, on lui doit d'avoir écrit la version la plus connue de la légende de la Chasse-Galerie. Honoré Beaugrand fut maire de Montréal de 1885 à 1887, où l'on se souvient de lui pour avoir défendu la vaccination obligatoire contre la variole. 

5. Hugh Graham (Lord Atholstan)

Deux journaux montréalais représentent l'archétype de la grande transformation de la presse canadienne au tournant du XXe siècle: La Presse et le Montreal Star. Hugh Graham fonde en 1869 avec George T. Lanigan le Evening Star, qui devient par la suite le Montreal Star, le quotidien le plus vendu au Canada (31000 exemplaire en 1891). Le Montreal Star sera publié jusqu'en 1979. Son soutien à la conscription durant la première guerre mondiale vaut à Graham de recevoir de la couronne britannique le titre de baronnet — il devient lord Atholstan — en 1917.

6. Trefflé Berthiaume

Si le journal La Presse a été fondé en 1884 par le conservateur William-Edmond Blumhart , c'est le libéral Treffé Berthiaume qui en a fit un succès à partir de 1889, en transformant la simple feuille d'opinion en journal d'information moderne. Avec ses nouvelles, faits divers, illustrations et gros titres, La Presse élargit son public et devient le journal le plus vendu à Montréal. Suite à des difficultés financières, Berthiaume vend la presse à David Rusell. Il le rachètera avec l'appui de Wilfrid-Laurier deux ans plus tard. Le journal restera dans les mains de la famille Berthiaume (qui deviendra Berthiaume-Du Tremblay) jusqu'en 1967. 

7. Robertine Barry (1863-1910)
Première femme journaliste canadienne-française. De 1891 à 1900, elle écrit sa «Chronique du lundi » dans La Patrie, sous le pseudonyme de Françoise. Elle participe aussi à la rédaction de la page féminine hebdomadaire du journal, le «Coin de Fanchette», où elle devient la pionnière québécoise des courriers du cœur. Elle fonde ensuite Le journal de Françoise, une revue bimensuelle publiée de 1902 à 1909. Tout au long de sa carrière, Robertine Barry défend la justice sociale, les droits des femmes, la formation professionnelle, le droit à l’éducation  et les bibliothèques publiques.

8. Henri Bourassa (1868-1952)
Petit fils de Louis-Joseph Papineau, Henri Bourassa se fait connaître d'abord comme député fédéral libéral. Opposé à l'impérialisme britannique et prônant un nationalisme canadien, il démissionne en 1899 pour marquer son opposition à la décision de Wilfrid Laurier de faire participer le Canada à la guerre des Boers. Il est député indépendant de Saint-Hyacinthe au provincial quand il fonde en 1910 Le Devoir. Journal de combat, Le Devoir est  à contre-courant de son époque, où la plupart des journaux délaissent l'opinion au profit de l'information. Désirant donner à son journal l'indépendance face au contrôle financier d'un parti ou d'hommes d'affaires, il le dote d'une structure financière unique: son directeur sera l'actionnaire majoritaire de la compagnie qui le possède (L'imprimerie populaire limitée). On a d'ailleurs tendance à associer les différentes étapes de l'histoire du Devoir à ses directeurs, qui auraient presque tous pu figurer dans cette liste. 

9. Pierre Péladeau
Pierre Péladeau débute son aventure dans la presse écrite en fondant des hebdos et des journaux à potins. En juin 1964, profitant d'une grève qui paralyse le journal La Presse, il fonde son premier quotidien, Le journal de Montréal. Même si le tirage chute à la fin de la grève à La Presse, l'homme d'affaires s'accroche et commence à dévoyer des vedettes à ses concurrents, tout particulièrement au Montréal-Matin, qui sera sans doute la plus grande victime du succès de ce nouveau joueur. Sa formule des quatre S (Sexe, sport, sang et spectacle), basée sur une formule populaire en Grande-Bretagne, a non seulement séduit des lecteurs de ses concurrents mais aussi un public qui ne lisait pas encore de quotidiens. Propriétaire d'imprimeries et champion de l'intégration verticale, il fonde Québécor en 1965 pour chapeauter ses entreprises.

10. Lise Bissonnette
Entrée au Devoir en 1974 à l'invitation de Claude Ryan, Lise Bissonnette en sera la rédactrice en chef de 1981 à 1985. Nommée directrice en 1990, elle devient la première femme à diriger un quotidien québécois. En 1993, elle donne au Devoir une nouvelle structure financière qui accueille de nouveau actionnaires, tout en préservant l'indépendance du directeur souhaité par le fondateur Henri Bourassa. On déménage aussi vers de nouveau locaux, rue Bleury. Ses deux éditoriaux les plus célèbres ont porté les titres courts mais éloquents de «Non» en 1992, contre l'accord de Charlottetown et de «Oui», en 1995, en faveur de l'indépendance du Québec. 

Notes:

1. Je suis consciente que la liste contient une grande concentration de personnalités ayant œuvé au XIXe et au début du XXe siècle. Cela correspond à mon sens à l'âge d'or de la presse écrite dans l'histoire des médias québécois. Le XXe siècle a connu de brillantes plumes, mais les grandes innovations se sont plutôt déroulées du côté des nouveaux médias que furent successivement la radio, la télévision et internet. 

2. À ceux qui se demanderaient si l'absence de Paul Demarais et Power Corporation est éditoriale, voici les deux raisons pour lesquelles l'homme d'affaires ne figure pas dans cette liste: 
  1. Ses filiales médiatiques (Trans-Canada, puis Gesca), ont surtout acheté des journaux déjà établis. 
  2. Hormis la propriété de La Presse, je l'associe à l'histoire de la presse écrite au Québec, mais pas particulièrement à Montréal. 

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