samedi 28 mars 2020

Le Nouvelliste / La Voix de l'Est / Le Droit

Le Nouvelliste

Le Nouvelliste est fondé en 1920 par Joseph Herman Fortier, qui en sera le propriétaire jusqu’en 1935. Fortier est le vice-président et directeur général des magasins à succursales P.T. Légaré, basés à Québec et possède le journal L’Événement. 

Il achète une feuille déjà existante, Le Trifluvien et le transforme en nouveau journal, Le Nouvelliste, dont le premier numéro paraît le 30 octobre. Il a pour objectif de promouvoir la langue française, les traditions de l'Église et le développement économique et industriel de la région.


Le Nouvelliste en mai 1921
En 1935, alors que les magasins P.T. Légaré font faillite, Fortier vend Le Nouvelliste au sénateur libéral Jacob Nicol, qui est le fondateur de La Tribune et le propriétaire du Soleil et de l’Événement de Québec. Ce dernier verra donc à restreindre l’influence du Nouvelliste à la Mauricie pour ne pas concurrencer ses autres journaux, tous d'allégeance libérale. À cause de ses positions critiques envers Duplessis, le Nouvelliste perd des annonceurs dans la seconde moitié des années 1940. 

C’est probablement ce qui incite Nicol à le vendre à Honoré Dansereau en 1951. Son fils Pierre Dansereau en hérite à son décès en 1958, puis le journal est racheté par les journaux Trans-Canada de Paul Desmarais en 1968. Le Nouvelliste est la propriété du groupe Capitales Médias à compter de 2015.Suite à la faillite du groupe en 2019, une coopérative d’employés est créée et est désormais propriétaire du journal trifluvien. 

Gérald Godin fut journaliste au Nouvelliste de 1958 à 1963. 

La Voix de l’Est

La Voix de l’Est est créé à l'initiative d’un groupe d’hommes d’affaire de Granby d'allégeance libérale. Le premier numéro paraît le 20 juin 1935 et le journal appartient alors à Imprimerie rapide. Il a pour slogan «Le semeur d’idées». 

En 1945, La Voix de l’est devient un quotidien et Radio CHEF vient compléter le service d'information en 1946. 

En 1968, le journal est vendu aux Journaux Trans-Canada, appartenant à Paul Desmarais. En 1977, l’impression de la Voix de l’Est est transférée à Sherbrooke, à l’imprimerie du journal La Tribune. À compter de 1985, un journal hebdomadaire gratuit appelé Le Plus vient s’ajouter au quotidien.

La Voix de l'est en janvier 1981
En mars 2015, Gesca vend La Voix de l’Est à Groupe Capitales Médias, propriété de Martin Cauchon. À compter de décembre 2019, il passe entre les mains d’une coopérative d’employés suite à la faillite du groupe. 

Le Droit

Ce journal constitue une exception pour ce blogue consacré à l’histoire des journaux québécois puisqu’il a été fondé à Ottawa et que ses bureaux y sont toujours*. Mais il couvre aussi l’actualité de l’ouest du Québec et sa destinée, par l’entremise de certains de ses propriétaires est liée à l’histoire de la presse québécoise.  

Le Droit est fondé le 27 mars 1913 par le Syndicat d'Oeuvres Sociales. Les Oblats d’Ottawa en sont les actionnaires majoritaires et journal est dirigé par l’abbé Charles Charlebois. Sa devise est « L’avenir est à ceux qui luttent ». 

La décennie est marqué par de grandes difficultés pour la survie du français en Ontario. En 1910, un immense congrès rassemble,à Ottawa plus de 1 200 délégués représentant toutes les régions de l'Ontario français. C’est à cette occasion de l’on décide qu’il faut un journal pour défendre les droits linguistiques et religieux des Franco-Ontariens. Sa première devise est «L’avenir appartient à ceux qui luttent». Le journal gardera toujours ce rôle de défenseur de la francophonie ontarienne, de la loi 17 interdisant l’usage du français dans les écoles, jusqu’à la lutte pour l'hôpital Montfort et plus récemment l’abolition du Commissariat aux services en français de l’Ontario et le retrait de tout financement du projet d’Université de l’Ontario français à Toronto.

Le Droit en 1913
En 1983, les oblats vendent leurs actions à l'entreprise de presse Unimédia, dirigé par Jacques Francoeur. Le journal fut acheté par le groupe Hollinger dirigé par Conrad Black en mai 1987. Il passe aux mains de Gesca, une filiale de Power Corporation, en novembre 2000. En mars 2015, Gesca vend ses quotidiens régionaux à Groupe Capitales Médias, propriété de Martin Cauchon. À compter de décembre 2019, Le Droit passe entre les mains d’une coopérative d’employés pour poursuivre ses activités après la faillite de Capitales Médias. 

*Il a été annoncé au début de 2020 qu’on projetait de déménager le journal à Gatineau pour pouvoir profiter de l’aide financière du gouvernement du Québec aux anciens journaux du groupe Capitales Médias.

Principales sources:
  • BAnQ numérique
  • André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours, Presses de l'Université Laval.
  • Wikipédia
  • Société d'histoire de la Haute-Yamaska
  • viefrancaisecapitale.ca

Avec cet article, j'ai maintenant fait le tour de tous les anciens journaux de Capitales Médias devenus des coopératives. Pour les autres: Le Soleil, La Tribune, Le Quotidien

mercredi 25 mars 2020

Du Progrès du Saguenay au journal Le Quotidien

Le Progrès du Saguenay est lancé le 18 août 1887 à Chicoutimi et ses fondateurs sont Alphonse Guay, Joseph-Dominique Guay et Louis de Gonzague Belley. Son nom est inspiré par l’arrivée au Saguenay du chemin de fer, symbole de progrès. Le journal est alors publié tous les jeudis. 

Joseph-Dominique Guay, futur maire de Chicoutimi, et Louis Gonzague Belley, assurent la rédaction du journal qui soutient les positions du parti conservateur. La colonisation, le prolongement du chemin de fer au Lac-Saint-Jean et la politique municipale de Chicoutimi occupent  une place importante dans le contenu du journal. 

Le Progrès dimanche en 1887

Joseph-Dominique Guay, qui en devient le seul propriétaire en 1888, sera maire de 1895 à 1902 et de 1922 à 1923. Les pages de son journal servent donc largement à défendre décisions et et ses idées sur la politique, l’agriculture, et le développement du Saguenay en général.  Bien que conservateur sur le plan politique le journal  et son rédacteur sont souvent en conflit avec les autorités ecclésiastiques, jusqu’à être menacé d’être dénoncé en chaire.

En 1908, le journal est vendu au Syndicat des imprimeurs du Saguenay inc. L’homme d’affaires Julien-Édouard-Alfred Dubuc en est le principal actionnaire, mais on compte aussi dans ses rangs des membres de l’église locale. Guay est remplacé à la rédaction par Damase Potvin. 

Ainsi, à compter de 1912 et jusqu'au début des années 1960, le ton devient beaucoup plus moral, alors que l'hebdomadaire devient l'organe officieux de l'évêché de Chicoutimi, dirigé par Mgr Eugène Lapointe. À deux reprises le journal aura des rédacteurs issus du clergé, soit L’abbé Calixte Tremblay 1914 à 1923 et l’abbé André Laliberté de 1925 à 1931. Ce dernier en sera ensuite le directeur de 1931 à 1943.

Le Progrès devient bi-hebdomadaire en 1926 puis quotidien pour une première fois en 1927, avant de redevenir hebdomadaire en 1932. En 1953 que Le Progrès devient à nouveau un quotidien, jusqu’en juillet 1961. Puis, après une courte interruption, il redevient un hebdomadaire en septembre de la même année.

C’est le 11 octobre 1964 que le Progrès du Saguenay devient le Le Progrès-Dimanche. On opte alors pour un format tabloïd et pour fidéliser la clientèle, on l’offre gratuitement pendant quelques mois. Les propriétaires sont alors Aimé Laurion et Pierre-Eugène Laberge

En 1971 les frères Gabriel et Guy Gilbert, propriétaires du Soleil, font l’acquisition du Progrès du Saguenay. En 1973, ils suspendent le Soleil du Saguenay-Lac-Saint-Jean qu'ils publiaient depuis 1970 pour le remplacer par un quotidien 100% régional, Le Quotidien.

Le Progrès-Dimanche en 1974
La première une du Quotidien en 1973
En 1974, Les frères Gilbert vendent Le Quotidien et Le Progrès-Dimanche (ainsi que Le Soleil) à UniMédia, dirigé par Jacques Francoeur et Jean-Guy Faucher. Au début des années 1980, Le Quotidien passe de journal du soir à journal de matin et de grand format à tabloïd. Ces changements lui permettent de gagner en popularité et d'assurer sa prospérité car jusque-là, il survivait grâce à la popularité du Progrès-Dimanche, 

En 1987, le groupe UniMédia est vendu à la compagnie Hollinger de l'homme d'affaires Conrad Black. Le 10 novembre 2000, Gesca, propriété de Power Corporation du Canada, achète le journal du groupe de Conrad Black. Et en mars 2015, Gesca vend ses Quotidiens régionaux au groupe Capitale Médias, qui appartient à Martin Cauchon. . 
En avril 2017, le Progrès Dimanche déménage le samedi et devient le Progrès weekend (il remplace par le fait même l’édition du samedi du Quotidien). 

Suite aux déboires financiers du Groupe Capitale Médias, la Coopérative de solidarité du Quotidien au Saguenay-Lac-Saint-Jean a est fondée en décembre 2019 et mène désormais les destinées du Quotidien et du Progrès-Weekend. 

Principales sources:
  • BAnQ numérique
  • André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours, Presses de l'Université Laval.
  • Wikipédia
  • Simon Deschênes, La presse régionale québécoise entre 1880-1930: études de cas du Courrier de St-Hyacinthe et du Progrès du Saguenay
  • Gérard Bouchard, Élites, entrepreneurship et conflits de pouvoir au Saguenay (1890-1920)
  • Divers numéros anniversaires du Progrès et du Quotidien 


Un grand merci à Julien Renaud journaliste au Quotidien pour son aide. 



dimanche 12 novembre 2017

La Presse: 1884-2017 (du moins pour le papier...)

Le journal La Presse est fondé en 1884 par William-Edmond Blumhart. Il s’agit alors du journal d'une faction de Conservateurs qui soutient  Joseph-Adolphe Chapleau, alors en conflit avec un autre membre du cabinet  de John A. MacDonald, Hector-Louis Langevin. Blumhart fonde tout d’abord un journal nommé Le Nouveau Monde, afin de concurrencer le journal de ses adversaires, Le Monde. Mais sous la menace d’injonctions et de poursuites, il décide de fonder un nouveau journal qui paraît pour la première fois le 20 octobre, La Presse.

BAnQ via Wikipédia
En 1889, Trefflé Berthiaume prend le contrôle du journal et il en devient officiellement propriétaire en 1894. La Presse supporte alors plus ou moins ouvertement les libéraux de Laurier. En 1904, Trefflé Berthiaume vend son journal au conservateur David Russell. Mais  grâce à l'intervention de Wilfrid Laurier, il rachète a son journal en 1906, le ramenant ainsi dans le giron libéral.

Trefflé Berthiaume meurt en 1913. Malgré de nombreuses querelles de succession, La Presse demeurera entre les mains de la famille Berthiaume-Du Tremblay jusqu'en 1967. Le journal est alors acheté par Trans-Canada propriété de Power Corporation. À partir de 1968, tous les journaux de la compagnie de Paul Desmarais sont regroupés dans la nouvelle filiale Gesca.


Premier média de masse francophone

La Presse (avec le Montreal Star du côté anglophone), sera au tournant du 20e siècle l'exemple le plus frappant du passage de la presse d'opinion à la presse d'information, alors que le contenu du journal et sa présentation changent radicalement, On peut facilement le constater en comparant la une du journal en 1884 et en 1912.

La presse québécoise de 1884 à 1914: genèse d'un média de masse, p. 208

La presse québécoise de 1884 à 1914: genèse d'un média de masse, p. 208


La nouvelle occupe désormais une place de choix au détriment du commentaire politique et l'illustration et les grands titres changent l'apparence du journal. Le contenu est diversifié, de nouvelles pages sont créées afin de rejoindre tous les membres de la famille. On obtient ainsi un lectorat plus nombreux et varié, ce qui permet de remplacer le financement traditionnel, qui provenait principalement de partis politiques et d’abonnements coûteux, par les revenus publicitaires. Cela permet de baisser le coût de la copie, ce qui favorise aussi une hausse du lectorat. On qualifie La Presse et Le Montreal Star de premiers médias de masse du Québec. La Presse connut notamment un grand succès dans les milieux ouvriers grâce aux chroniques de Jules Helbronner, qu'il signait Jean-Baptiste Gagnepetit et où il prenait  la défense des travailleurs et des locataires.

Conflits de travail

Plusieurs conflits de travail vont marquer l'histoire de La Presse. Suite à la grève de 1958, on introduit la signature des articles, ce qui ouvre une nouvelle ère de vedettariat dans le monde des journalistes. La grève de 1964, qui se transforme en lock-out de sept mois, sera marquée par l'apparition d'un concurrent redoutable, Le Journal de Montréal. Un autre lock-out, entre 1971 et 1972, fera perdre des lecteurs au profit du Journal de Montréal et du Montréal-Matin. Les difficultés financières apportées par une nouvelle grève en d'octobre 1977 à avril 1978 entraînera la fermeture du Montréal-Matin et de La Patrie, des journaux que La Presse avait acquis dans le but de mieux concurrencer le Journal de Montréal.

Virage technologique


Le premier édifice de La Presse rue St-Jacques, occupé à partir de 1900.
 Par Jeangagnon via Wikimedia Commons 
Depuis quelques années, La Presse est à nouveau au cœur de grandes transformations dans le monde des médias écrits, ayant été le premier journal québécois à créer une application tablette La Presse + est apparue en avril 2013. L’édition papier du quotidien est supprimée à la fin de l’année 2015 et la disparition complète du papier est prévue pour la fin de l’année 2017 avec la suppression de l'édition papier de La Presse du samedi.

Ce qui amène une question sémantico-existentielle pour l’auteure de ce blogue sur l’histoire des journaux. Le média La Presse existe toujours, mais parle-t-on encore de journal? D'ailleurs, quand il n'y aura plus de version papier, est qu'on continuera à préciser «La Presse +» ou si on revendra simplement au nom La Presse? À suivre...

Mise à jour: Même si ce billet de blogue porte sur La Presse version papier, nous tenons à souligner la transformation majeure du mode de propriété annoncée en mai 2018.

Principales sources:

  • André Beaulieu et Jean Hamelin:  La presse québécoise des origines à nos jours.
  • Jean de Bonville: La presse québécoise de 1884 à 1914: genèse d'un média de masse
  • Dictionnaire biographique du Canada
  • BAnQ (ressources numériques, périodiques)




mardi 3 janvier 2017

Le Montréal-Matin (L'Ilustration) 1930-1978

Le Montréal-Matin est d'abord publié sous le titre L'Illustration, dont le premier numéro paraît le 4 juillet 1930. L'Illustration fut le premier tabloïd du Québec. De sa fondation jusqu'en 1941, le journal est imprimé sur du papier rose. Dès le début, la photographie et les illustrations y occupent une place de choix.


De L'illustration au Montréal Matin (1930-1947)

Le journal L'Illustration est fondé par le journaliste Fernand Dansereau (rien à voir avec le scénariste des Filles de Caleb!) et Eugène Berthiaume. Fils de Trefflé Berthiaume, ce dernier a été écarté de la gestion du journal La Presse suite à la mort de son père. Le journal obtient aussi un soutien financier du Parti Conservateur. D'ailleurs, dans les premières années,  L'Illustration sert le combat de Camillien Houde contre le gouvernement Tachereau. Le politicien prend plus ou moins le contrôle financier et éditorial du journal entre l'automne 1930 et l'hiver 1933. Puis, le journal devient favorable aux idées de L'Union nationale et se son chef Maurice Duplessis. 

BAnQ
Suite à des difficultés financières, le journal devient L'Illustration Nouvelle en février 1936. Cette même année, un certain Andrien Arcand est embauché comme rédacteur en chef. Il restera au journal jusqu'en 1939 et en sera même actionnaire minoritaire. Son patron, Eugène Berthiaume, l'encourage dans ses prises de positions contre le communisme et en faveur de la montée des gouvernements fascistes en Europe, mais le freine dans ses élans antisémites, notamment pour ne pas se mettre des annonceurs à dos.

En 1941, la compagnie qui possède officiellement le journal, la Fédération des Journalistes canadiens, a un nouveau Président ,Jacques-Narcisse Cartier. qui en devient aussi le directeur. C'est ce dernier, qui choisit de le relancer la feuille sous le nom de Montréal-Matin. C'est aussi lui qui embauche le jeune journaliste sportif Jacques Beauchamp, qui n'a que 17 ans à son entrée au journal en 1944. 


Le journal de l'Union Nationale (1947-1972)

En 1947, le  Montréal-Matin est acheté par les Éditions Laviolette, qui sont en fait une propriété de l’Union Nationale. Les titres de propriété la compagnie seront remis de chef en chef, de Maurice Duplessis à Gabriel Loubié. 

Comme le souligne Mathieu Noël dans sa thèse parue en 2014, le journal montrait ses couleurs en période électorale, ou lors de d'événements majeurs, comme la grève d'Asbestos. Mais de manière générale, le Montréal-Matin demeurait un journal populaire dont l'objectif était surtout d'obtenir un grand tirage. Car encore plus qu'une tribune, le Montréal-Matin fut une source de revenus pour l'Union Nationale. 

C'est pourquoi le journal accordait une large place dans ses pages aux nouvelles locales, aux faits divers et aux nouvelles sportives. Ces dernières deviendront vraiment la grande spécialité du journal, au point d'occuper jusqu'à la moitié de ses pages à certaines époques. Le Montréal-Matin innove en mettant de l'avant non seulement les résultats des différentes équipes, mais aussi la chronique sportive.  

Collection Sébastien Desrosiers
Selon Beaulieu et Hamelin, le Montréal-Matin fait dans les années 1960 des profits annuels de 400 000 dollars, malgré l'apparition du Journal de Montréal en 1964, qui présente le même type de contenu et qui viendra même lui prendre son chroniqueur sportif vedette et directeur des pages sportives, Jacques Beauchamp en 1969.

Après la défaite de Jean-Jacques Bertrand en 1970, l'indépendance du journal devient un sujet de mécontentement au sein du parti. On décide alors de vendre le Montréal-Matin. Un groupe d'hommes d'affaires unionistes ayant à leur tête Réjent Desjardins s'en porte acquéreur en 1972. Ils se retrouvent rapidement en difficulté financière. 


Déclin et fermeture (1972-1978)

En août 1973, le Montréal-Matin est acheté par La Presse, dans une tentative de contrer la popularité grandissante du Journal de Montréal. On découvre alors que la nouvelle acquisition est au bord de la faillite. En plus de divers investissements pour relancer le journal, on décide de fusionner plusieurs secteurs des deux journaux, dont l'imprimerie. En 1976, on déménage la salle de rédaction du Montréal-Matin dans l'édifice de la rue Saint-Jacques. Les dernières années du journal seront marquées par une perte d'autonomie du Montréal-Matin face aux cadres de La Presse


Les pertes financières et les baisses de tirages occasionnées par la grève des employés de La Presse, d'octobre 1977 à mai 1978, mènent à la fermeture du Montréal-Matin en décembre de cette même année.


Parmi les journalistes qui sont passés par le Montréal-Matin, on compte Claude Poirier, Yvon Pedneault, Claude Picher. Jean-Pierre Charbonneau, Louise Cousineau et Pierre Foglia. Au milieu des années 1970, Marc Laurendeau en était l'éditorialiste en chef. 

Principales sources:
André Beaulieu et Jean Hamelin,  La presse québécoise des origines à nos jours.

Mathieu Noël, Le Montréal-Matin (1930-1978). Un journal d'information populaire, Thèse de doctorat de l'Université du Québec disponible ici. (Je vous la recommande chaudement si vous souhaitez en apprendre davantage sur l'histoire de ce journal).
 

vendredi 16 décembre 2016

L'Avenir et Le Pays: Les journaux des Rouges

Antoine-Aimé Dorion, chef du Parti Rouge
Les Rouges

Avant de faire l'histoire des deux principaux journaux qui ont  servi de tribune à leurs idées et combats, il me paraît essentiel de décrire ce groupe idéologique et politique que furent Les Rouges. Pour ce faire, utilisons tout simplement les mots d'un grand historien, Jean-Paul Bernard, qui débute ainsi l'introduction de son ouvrage sur le sujet paru en 1971: «Dans l'histoire du Canada, on désigne généralement sous le nom de Rouges les libéraux doctrinaires et anticléricaux de l'époque de l'Institut canadien, de même que les héritiers, au milieu du XIXe siècle, du radicalisme des Patriotes.» Toujours selon Jean-Paul Bernard, Le «rougisme» est à situer dans la période 1847-1867, puisque par la suite on verra une déradicalisation du mouvement, qui mènera à la «création» du Parti libéral de Laurier.

Les Rouges, influencés par les révolutions libérales qui se déroulent en Europe à cette époque, font la promotion du républicanisme, du suffrage universel et de la séparation des intérêts de l'Église et de l'État. L'idée qui nous qui nous semble peut-être la plus surprenante aujourd'hui est leur promotion de l'annexion du Bas-Canada aux États-Unis. Les Rouges considèrent que les Canadiens français auraient une meilleure chance de s'épanouir dans cette république qu'au sein de l'Union de 1840 et de l'Empire britannique. On est alors convaincu que la langue la foi y seraient respectées.

Le lieu de ralliement des Rouges est l'Institut canadien de Montréal, où se tiennent des conférences et débats et où l'on trouve une bibliothèque comprenant de nombreux ouvrages interdits par l'Église.


L'Avenir (1847-1857)

J.B.É. Dorion
En 1847, Jean-Baptiste-Éric Dorion et George Batchelor fondent le journal Le Sauvage, dont le premier numéro paraît le 24 juin et le second le 3 juillet. Le journal est ensuite rebaptisé L'Avenir, alors que Batchelor en devient l'unique propriétaire et que Dorion en est le rédacteur en chef.

Parmi ses plumes les plus marquantes on compte Jean-Baptiste-Éric Dorion, dit «l’enfant terrible», Louis-Antoine Dessaulles, neveu de Papineau inspiré par Félicité de Lamennais,  l'avocat Joseph Doutre, qui s'illustrera dans l'Affaire Guibord, ainsi que Charles Laberge. On y écrit par ailleurs régulièrement sous des pseudonymes, ce qui est courant dans les journaux de l'époque. 

L.A. Dessaulles
C'est à partir de novembre 1847, que L'Avenir devient plus virulent et s'engage dans un combat d'idées avec les journaux conservateurs et ultramontains. Il s'en prendra notamment régulièrement aux Mélanges Religieux, porte-parole officieux de l'évêché montréalais.  La plupart des collaborateurs de L'Avenir sont des membres de l'Institut canadien de Montréal, qui se détachent des idées du Réformiste Lafontaine pour soutenir celles de Papineau, de retour au pays depuis 1845. Le journal demande notamment  le rappel de l'Union. 

Lorsque L'Avenir publie en août 1848 ce qu'on appellera le manifeste des Rouges, il devient l'organe officiel du Parti Rouge, pendant politique du mouvement. À partir du printemps 1849, l'anticléricalisme est de plus en plus présent. On commence aussi à parler d'annexion aux États-Unis. L'Avenir prône aussi l'abolition du régime seigneurial, ce qui le place alors en désaccord avec Papineau et Dessaulles qui sont tous deux seigneurs. 

La publication de L'Avenir connaîtra diverses interruptions causées par des difficultés financières, entre autres suite à un incendie qui détruit ses installations en 1850.

L'Avenir eu pour sous-titres au fil du temps:
  • Journal publié dans les intérêts populaires 
  • Journal publié dans les intérêts de la jeunesse
  • Journal publié dans les intérêts de la jeunesse et du commerce
  • Journal républicain publié dans les intérêts populaires 

Le Pays (1852-1871) 

Le premier numéro du journal Le Pays paraît le 15 janvier 1852. Le journal L'Avenir connaît alors des difficultés financières et  Jean-Baptiste-Éric Dorion doit en suspendre la publication. Le Pays est fondé par l'imprimeur Jacques-Alexis Plinguet et le libraire Édouard-Raymond Fabre.  Ses premiers rédacteurs sont Louis Labrèche-Viger et Louis-Antoine Dessaulles. Napoléon Aubin et Arthur Buies seront d'autres figures marquantes de ce journal de combat. 

Comme L'Avenir, Le Pays prône l'annexion aux États-Unis, en plus de combattre le projet de Confédération. Son idéal politique reste la république. On souhaite aussi la séparation du spirituel et du temporel. Ses positions le mènent à s'engager dans de virulentes guerres de plume avec les journaux conservateurs ou religieux de l'époque, comme La Minerve, Le Journal de Québec, Le Nouveau Monde et L'Ordre. Les artisans du Pays s'intéressent aussi au commerce et à l'industrie, des sujets qu'ils jugent négligés par les autres journaux francophones. 

Peu après la Confédération, les départs de Aubin et Dessaulles marquent le début d'un déclin. Selon les historiens André Beaulieu et Jean Hamelin, Le Pays cesse d'être le «farouche combattant que l'on avait connu». 

Principales sources:



Jean-Paul Bernard, Les Rouges. Libéralisme, nationalisme et anticléricalisme au milieu du XIXe siècle , Les Presses de l’Université du Québec, 1971.


Jean-Paul Montminy, « L’Avenir, 1847-1852 », dans Fernand Dumont, Jean-Paul Montigny et Jean Hamelin, Idéologies au Canada français, 1850-1900, Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1971.

André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours, Presses de l'Université Laval.
 


lundi 10 octobre 2016

La Minerve: patriote, modérée, conservatrice

La Minerve en 1826. BAnQ
Le journal La Minerve est fondé à Montréal par Augustin-Norbert Morin, un étudiant de 23 ans. Son objectif est de remplacer Le Canadien pour défendre les idées du parti patriote. Un prospectus est lancé le 14 octobre 1826 et le premier numéro est publié le 9 novembre suivant. Morin est alors le directeur politique du journal, tandis que John Jones en est l'imprimeur. La Minerve utilise les presses de l'imprimerie de Dominique Bernard, propriétaire du Canadian Spectator, journal patriote de langue anglaise.  Le journal connait rapidement des difficultés financières et le 27 novembre, on en suspend déjà l'impression. Il avait alors quelques 240 abonnés. 


Duvernay par Notman. Musée McCord

Ludger Duvernay achète La Minerve le 18 janvier 1827. Morin en demeure le rédacteur et le directeur politique et Duvernay participe à la direction et imprime le journal. On profite de la relance, le 12 février, pour recommencer la tomaison, comme s'il s'agissait d'une nouvelle feuille.

Ludger Duvernay, qui sera un des fondateurs de la Société Saint-Jean-Baptiste, fait de La Minerve la voix du mouvement patriote et l'un des journaux les plus lus de cette époque. Le journal peut compter en 1832 sur environ 1300 abonnés, et est régulièrement cité sur la place publique et au parlement. On trouve parmi ses collaborateurs Denis-Benjamin Viger, Louis-Hippolyte La Fontaine et Louis-Joseph Papineau, bien que les articles de soient pas signés et que le directeur assume toutes les conséquences du contenu publié. 
 
Le Duvernay de cette époque est fougueux et n'hésite pas à interpeller personnellement ses ennemis politiques. En plus de démêlés avec la justice, cette impétuosité le mènera jusqu'au duel en 1936, contre Clément-Charles Sabrevois de Bleury, cofondateur du journal Le Populaire et député de Richelieu.

La Minerve en 1835. BAnQ
Ludger Duvernay est arrêté une première fois pour diffamation en 1828. En 1833, le clergé appelle au boycott de La Minerve. Duvernay est emprisonné une seconde fois en 1832 pour libelle diffamatoire, en compagnie de Daniel Tracey, rédacteur du Vindicator. En septembre 1836 il fait un autre séjour en prison pour outrage au tribunal.  En novembre 1837, le gouverneur Gosford émet des mandats d’arrestation contre 26 leaders patriotes, dont Duvernay. ce dernier s'enfuit aux États-Unis et un seul numéro de La Minerve paraîtra après son départ. 




Retour d'exil: de modéré à conservateur

Ludger Duvernay revient d'exil en 1842. Il ressuscite son journal à l'invitation du modéré Louis-Hyppolite Lafontaine, qui a besoin d'un organe de presse pour soutenir son Parti réformiste, qui revendique notamment la responsabilité ministérielle. Le journal deviendra l'adversaire des idées plus radicales des Rouges, exprimées dans les journaux L'Avenir et Le Pays.

À partir de 1854, La Minerve et son propriétaire défendent l'Alliance libérale-conservatrice de George-Étienne Cartier et de John A. Macdonald qui remplace les Réformistes à la tête du Canada-Uni.

L'après Duvernay: Confédération et conservatisme


Ludger Duvernay meurt en 1858 et La Minerve devient la propriété de Duvernay et Frères (Napoléon et Denis). En 1879, ils vendent à Clément-Arthur Dansereau, copropriétaire depuis 1870. Dansereau revend le journal pour la somme de 38 000 dollars à la Compagnie d'imprimerie de La Minerve, organisée par l'homme politique Joseph-Charles Taché.

La Minerve en 1895. BAnQ
À partir de 1889 les propriétaires se succèdent:
1889: Trefflé Berthiaume
1891: Sénécal, Poitras et Cie.
1892: Eusèbe Sénécal 
1898: Compagnie du journal Le Monde
Après une suspension en 1897 en raison de difficultés financières, le journal est brièvement relancé en 1898. Mais ce journal d'opinion est incapable de s'adapter aux nouvelles boulversements que vit la presse écrite et subit le contrecoup de l'arrivée au pouvoir des Libéraux de Laurier. La Minerve ferme définitivement ses portes le 27 mai 1899.

Malgré tous ces changements de propriétés, La Minerve est demeurée fidèle aux Conservateurs, soutenant les idées de George-Étienne Cartier puis de Joseph-Adolphe Chapleau. Elle a défendu le projet de Confédération, les chemins de fer et le protectionnisme. 

Principales sources:
  • André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours.
  • Collection numérique de BAnQ.
  • Le dictionnaire biographique du Canada.
  • L’encyclopédie canadienne.




 

dimanche 27 septembre 2015

Le Franco-Canadien / Le Canada Français

BAnQ
Le journal Le Franco-Canadien est fondé en 1860 par deux notaires, Valfroy Vincelette et Félix-Gabriel Marchand. Leur but est de créer un organe libéral pour la région de Saint-Jean et Iberville. Pierre Cérat et Isaac Bourguignon en sont les imprimeurs-propriétaires. Le journal est alors bi-hebdomadaire  et parait les mardis et les vendredis.

Son premier rédacteur est Charles Laberge, qui sera peu après remplacé par Félix-Gabriel Marchand. Le journal s’oppose alors au projet de Confédération. Marchand sera élu comme député de Saint-Jean en 1867 et il sera Premier Ministre du Québec de 1897 jusqu'à son décès en 1900.

En 1876, un incendie détruit les locaux du journal et une partie de la ville de Saint-Jean. Avec de nouvelles installations, on augmente le format du journal et on incorpore les illustrations.

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En 1893, des difficultés financières amènent Isaac Bourguignon à vendre Le Franco-Canadien à Damien Rolland, un conservateur. Le journal passe donc dans le camp adverse. Or,  un acte notarié signé en 1887 stipulait que Le Franco-Canadien devait revenir à Félix-Gabriel Marchand si Bourguignon cessait de le publier.  L’affaire sera portée devant les tribunaux. En attendant, afin de défendre ses idées et de dénoncer l'imposture de son ancienne feuille, Marchand fonde Le Canada Français en 1893.

En 1995,  il obtient gains de cause, ce qui mène à la fusion des deux journaux.  Jusqu'en 1964, Le Canada Français aura pour sous-titre Le Franco-Canadien.  Familièrement, les gens l’appelleront «le Canada».

En 1909 Gabriel Marchand, le fils de Félix-Gabriel, vend le journal à à la compagnie «Le Canada Français Limitée», propriété d’un avocat de Montréal. Arsène Béssette en dévient le rédacteur en chef. En 1918, Louis-Omer Perrier en devient le directeur général et il achètera la publication deux ans plus tard. Bien que libéral, il fait du Canada français un journal à vocation régionale, où les nouvelles locales dominent.

Le journal sera l’un des rares médias québécois à prendre position pour le Oui au référendum de 1980. Il est alors dirigé par Yves Gagnon. Le groupe de presse «Le groupe Canada Français» est fondé en 1992 et réunit cinq hebdomadaires gratuits en Montérégie, en plus du journal original. En août 2011, Médias Transcontinental acquiert «Groupe Le Canada Français».

Principales sources:
- Collection numérique, BAnQ.
- Page Facebook du journal Le Canada Français, section «jalons».
- André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours.