L'Avenir et Le Pays: Les journaux des Rouges

Antoine-Aimé Dorion, chef du Parti Rouge
Les Rouges

Avant de faire l'histoire des deux principaux journaux qui ont  servi de tribune à leurs idées et combats, il me paraît essentiel de décrire ce groupe idéologique et politique que furent Les Rouges. Pour ce faire, utilisons tout simplement les mots d'un grand historien, Jean-Paul Bernard, qui débute ainsi l'introduction de son ouvrage sur le sujet paru en 1971: «Dans l'histoire du Canada, on désigne généralement sous le nom de Rouges les libéraux doctrinaires et anticléricaux de l'époque de l'Institut canadien, de même que les héritiers, au milieu du XIXe siècle, du radicalisme des Patriotes.» Toujours selon Jean-Paul Bernard, Le «rougisme» est à situer dans la période 1847-1867, puisque par la suite on verra une déradicalisation du mouvement, qui mènera à la «création» du Parti libéral de Laurier.

Les Rouges, influencés par les révolutions libérales qui se déroulent en Europe à cette époque, font la promotion du républicanisme, du suffrage universel et de la séparation des intérêts de l'Église et de l'État. L'idée qui nous qui nous semble peut-être la plus surprenante aujourd'hui est leur promotion de l'annexion du Bas-Canada aux États-Unis. Les Rouges considèrent que les Canadiens français auraient une meilleure chance de s'épanouir dans cette république qu'au sein de l'Union de 1840 et de l'Empire britannique. On est alors convaincu que la langue la foi y seraient respectées.

Le lieu de ralliement des Rouges est l'Institut canadien de Montréal, où se tiennent des conférences et débats et où l'on trouve une bibliothèque comprenant de nombreux ouvrages interdits par l'Église.


L'Avenir (1847-1857)

J.B.É. Dorion
En 1847, Jean-Baptiste-Éric Dorion et George Batchelor fondent le journal Le Sauvage, dont le premier numéro paraît le 24 juin et le second le 3 juillet. Le journal est ensuite rebaptisé L'Avenir, alors que Batchelor en devient l'unique propriétaire et que Dorion en est le rédacteur en chef.

Parmi ses plumes les plus marquantes on compte Jean-Baptiste-Éric Dorion, dit «l’enfant terrible», Louis-Antoine Dessaulles, neveu de Papineau inspiré par Félicité de Lamennais,  l'avocat Joseph Doutre, qui s'illustrera dans l'Affaire Guibord, ainsi que Charles Laberge. On y écrit par ailleurs régulièrement sous des pseudonymes, ce qui est courant dans les journaux de l'époque. 

L.A. Dessaulles
C'est à partir de novembre 1847, que L'Avenir devient plus virulent et s'engage dans un combat d'idées avec les journaux conservateurs et ultramontains. Il s'en prendra notamment régulièrement aux Mélanges Religieux, porte-parole officieux de l'évêché montréalais.  La plupart des collaborateurs de L'Avenir sont des membres de l'Institut canadien de Montréal, qui se détachent des idées du Réformiste Lafontaine pour soutenir celles de Papineau, de retour au pays depuis 1845. Le journal demande notamment  le rappel de l'Union. 

Lorsque L'Avenir publie en août 1848 ce qu'on appellera le manifeste des Rouges, il devient l'organe officiel du Parti Rouge, pendant politique du mouvement. À partir du printemps 1849, l'anticléricalisme est de plus en plus présent. On commence aussi à parler d'annexion aux États-Unis. L'Avenir prône aussi l'abolition du régime seigneurial, ce qui le place alors en désaccord avec Papineau et Dessaulles qui sont tous deux seigneurs. 

La publication de L'Avenir connaîtra diverses interruptions causées par des difficultés financières, entre autres suite à un incendie qui détruit ses installations en 1850.

L'Avenir eu pour sous-titres au fil du temps:
  • Journal publié dans les intérêts populaires 
  • Journal publié dans les intérêts de la jeunesse
  • Journal publié dans les intérêts de la jeunesse et du commerce
  • Journal républicain publié dans les intérêts populaires 

Le Pays (1852-1871) 

Le premier numéro du journal Le Pays paraît le 15 janvier 1852. Le journal L'Avenir connaît alors des difficultés financières et  Jean-Baptiste-Éric Dorion doit en suspendre la publication. Le Pays est fondé par l'imprimeur Jacques-Alexis Plinguet et le libraire Édouard-Raymond Fabre.  Ses premiers rédacteurs sont Louis Labrèche-Viger et Louis-Antoine Dessaulles. Napoléon Aubin et Arthur Buies seront d'autres figures marquantes de ce journal de combat. 

Comme L'Avenir, Le Pays prône l'annexion aux États-Unis, en plus de combattre le projet de Confédération. Son idéal politique reste la république. On souhaite aussi la séparation du spirituel et du temporel. Ses positions le mènent à s'engager dans de virulentes guerres de plume avec les journaux conservateurs ou religieux de l'époque, comme La Minerve, Le Journal de Québec, Le Nouveau Monde et L'Ordre. Les artisans du Pays s'intéressent aussi au commerce et à l'industrie, des sujets qu'ils jugent négligés par les autres journaux francophones. 

Peu après la Confédération, les départs de Aubin et Dessaulles marquent le début d'un déclin. Selon les historiens André Beaulieu et Jean Hamelin, Le Pays cesse d'être le «farouche combattant que l'on avait connu». 

Principales sources:



Jean-Paul Bernard, Les Rouges. Libéralisme, nationalisme et anticléricalisme au milieu du XIXe siècle , Les Presses de l’Université du Québec, 1971.


Jean-Paul Montminy, « L’Avenir, 1847-1852 », dans Fernand Dumont, Jean-Paul Montigny et Jean Hamelin, Idéologies au Canada français, 1850-1900, Québec : Les Presses de l’Université Laval, 1971.

André Beaulieu et Jean Hamelin, La presse québécoise des origines à nos jours, Presses de l'Université Laval.
 


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